top of page

Les préavis de vol drone : pourquoi l’idée d’allongement du SGDSN est dangereuse, voire contre-productive

Dernière mise à jour : 29 oct.


Pr


Dernièrement, le Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) a formulé une demande : augmenter les délais de préavis que les exploitants de drones doivent respecter lorsqu’ils déclarent un vol auprès des préfectures ou autorités compétentes. Le raisonnement est clair : sécuriser davantage les vols, donner le temps aux autorités de vérifier, coordonner, anticiper les risques.


Mais derrière cette logique de prudence se cachent des conséquences lourdes pour les professionnels — voire pour la sécurité même. En particulier : plus le délai de préavis est long, plus certains utilisateurs, y compris ceux aux intentions douteuses, auront intérêt à ne pas déclarer leur vol du tout. Ce qui revient à rendre la réglementation inefficace.


Dans cet article, je propose d’analyser précisément ce que cela impliquerait, et pourquoi c’est une mesure qui semble « raisonnable sur le papier », mais absurde en pratique.


Le cadre légal actuel : ce qu’on sait déjà


Quelques rappels utiles pour comprendre les enjeux :

  • Toute exploitation de drone en catégorie spécifique doit être conforme au règlement (UE) 2019/947. Selon ce règlement, l’exploitant doit effectuer une déclaration ou une demande d’autorisation selon le type d’opération (selon si cela rentre dans un scénario standard, ou pas).

  • L’exploitant doit être enregistré (portail AlphaTango) et disposer d’un manuel d’exploitation (Manex), et respecter les conditions de formation, sécurité, etc.

  • Certains vols, selon leur nature (zone peuplée, survol de tiers, hauteur, conditions), exigent une déclaration préalable ou une autorisation.

  • Les délais de déclaration existants varient selon le scénario et les caractéristiques du vol. Par exemple, en scénario S3 (zone peuplée), il y a déjà un préavis de 5 jours ouvrables dans certains départements. C'est ce préavis que la SGDSN souhaite faire augmenter.


La proposition du SGDSN : ce qu’elle impliquerait concrètement


Augmenter le délai minimal de préavis à 10 jours ouvrés signifie :

  • Pour un vol en catégorie spécifique en agglomération, l’opérateur devrait envoyer sa demande plusieurs semaines avant la date du vol.

  • Plus de temps pour vérifications (zones sensibles, coordination entre services de sécurité, etc.).

  • Possibilité pour les autorités d’imposer des restrictions, de refuser ou d’amender les demandes.


L’intention est légitime : renforcer la sûreté, anticiper tout risque lié à l’usage malveillant du drone. Mais voilà les problèmes.


Les conséquences négatives pour les exploitants professionnels et pour la sécurité


  1. Rigidité opérationnelle

    De nombreuses missions pro sont imprévues ou urgentes : expertise après sinistre, inspection de structure suite à un accident, surveillance de chantier suite à alerte, conditions météo favorables, etc. Si le préavis est de 10 jours comme souhaité par la SGDSN, beaucoup de ces missions deviennent matériellement impossibles ou très coûteuses à planifier.


  2. Coûts indirects plus élevés

    • Retards sur les chantiers, sur les prestations.

    • Possibilité de perdre des marchés ou clients qui exigent de la réactivité.

    • Charges administratives augmentées (gestion des demandes longtemps à l’avance, modifications si date décidée tardivement, etc.).


  3. Effet pervers : incitation à la non-déclaration


    Et voici l’un des points les plus critiques : les vols malveillants ou illégaux ne feront pas de déclaration, peu importe le délai. Ce type d’utilisateur ne va pas se plier à des formalités.

    • Si les délais sont courts, un exploitant pro attend avec espoir que le vol soit légal.

    • Si les délais sont longs, ça pousse certains à voler sans déclaration — parce qu’attendre, c’est perdre le client, ou rater l’opportunité.

    • Pour les acteurs malicieux, un vol non déclaré reste invisible ou peu détectable. Donc, au lieu de prévenir, la réglementation alourdie risque de pousser vers l’ombre ceux qu’on veut contrôler.


  4. Incohérence avec la réglementation européenne et avec les scénarios standard


    Le règlement (UE) 2019/947 encourage justement à ce que certaines opérations puissent être effectuées sous des scénarios standard (« déclaratif » ou « pré-déclaration ») pour alléger la charge.

    Si la France impose des délais de préavis très longs tout le temps, cela va à l’encontre de cette logique européenne d’allègement, d’harmonisation, et de responsabilisation des exploitants.


  5. Perte de confiance et bureaucratisation inutile


    Les professionnels sérieux risquent de se sentir traités comme des suspects, de subir des délais arbitraires, de subir une variabilité selon les préfectures. Cela crée du mécontentement, diminue la confiance dans les autorités, et peut encourager le non respect des règles là où cela ne serait pas nécessaire.


Pourquoi le renforcement du préavis ne va pas bloquer les vols dangereux


Une réflexion essentielle : ceux qui veulent faire un vol dangereux ou malveillant ne vont pas partager leur projet, ne vont pas demander l’autorisation, même si le délai est court.

  • Ils ignorent la déclaration, ils essayent de passer en mode furtif.

  • Renforcer le délai ne change pas leur comportement : ils restent hors du cadre légal.

  • Par contre, ça freine ceux qui cherchent à respecter les règles, à être transparents, donc à être intégrables dans le système de contrôle.


Proposition d’alternative : un compromis plus raisonnable


Pour protéger la sécurité nationale sans tuer le secteur professionnel, voici des pistes :

Mesure

Ce qu’elle apporterait

Préavis différenciés selon zone / sensibilité

Zones sensibles (militaires, nucléaires, aéroportuaires) : délai plus long. Zones ordinaires : délai restreint (1-2 jours). Comme c'et déjà le cas.

Scénarios STS européens

Encourager les exploitants à utiliser les scénarios standard (européen) pour bénéficier de délais réduits.

Renforcement de l’outil numérique

Portails comme AlphaTango, Clearance, etc : pour automatiser, vérifier rapidement, éviter que les préfectures soient débordées.

MANEX / ERP / assurance / traçabilité

Valoriser ceux qui ont un manuel d’exploitation sérieux, des procédures claires, des formations, etc. On peut accorder des délais plus courts à ceux-ci.

Contrôle / sanction efficaces

Renforcer les contrôles sur les vols non déclarés, associées sanctions, plutôt que de tout généraliser.

En conclusion


Allonger les préavis de vol drones comme le propose le SGDSN, c’est une mesure qui semble sensée si l’on ne regarde que la sécurité nationale. Mais dans les faits :

  • cela handicape les professionnels sérieux,

  • cela crée des délais absurdes pour des missions urgentes,

  • et au final, cela n’empêchera pas les vols malveillants — ceux-ci ne respecteront pas les procédures de toute façon.


C’est donc une mesure contre-productive : elle coûte cher, elle affaiblit le respect de la réglementation, elle diminue la réactivité du secteur, sans vraiment atteindre ce qu’elle vise.



Et bien sûr, cher lecteur. Votre mission, si toutefois vous l’acceptez, est de poser vos questions , de partager votre expérience terrain en commentaire pour lever vos doutes et enrichir la discussion. Comme toujours, si vos commentaires venaient à déraper, nous nierions en avoir eu connaissance. Ce fil de discussion ne s’autodétruira pas dans cinq secondes… alors profitons-en pour échanger de façon constructive et courtoise. Bonne chance !



Commentaires

Noté 0 étoile sur 5.
Pas encore de note

Ajouter une note
  • Icône social Instagram
  • Facebook Social Icône
  • LinkedIn Social Icône
  • Icône sociale YouTube
bottom of page